L’INTRODUCTION DE REINE
Nous sommes amenés en apiculture à introduire une reine dans une ruche ou une colonie qui n’est pas son lieu de naissance. Cette opération particulièrement délicate nécessite de s’y préparer.
Voici un document que je trouve particulièrement intéressant de par son contenu.
Tous les apiculteurs désireux de pratiquer une introduction de reine devraient avant tout lire ce document.
Il m’a expliqué un certain nombre d’observations que j’ai ou que d’autres ont pu faire sur ce sujet. En particulier les raisons du succès ou de l’échec de pratiques d’introductionsArticle du Frère ADAM, O. S. B.
16(3), 1952, p 37-44
Abbaye St. Mary, Buckfast, Grande Bretagne
L'article original : Das Zusetzen von Königinnen,
en allemand
Traduction et adaptation française
Schweiz. Bienenztg. 73 1950 (6):267-273,
(7):314-316
par Georges Ledent
Avec leur permission.
L'auteur, dont le nom est favorablement
connu des apiculteurs belges, a présenté au Congrès
international de Leamington-Spa, un rapport très intéressant
sur l'introduction des reines, rapport que nous avions
promis de reproduire dans notre revue.
Il nous a semblé que nos lecteurs apprécieraient encore
davantage l'article, sur le même sujet, publié par le Frère
Adam dans "Schweizerischen Bienenzeitung", dont nous devons
la parfaite traduction à notre excellent et dévoué
collaborateur, Georges Ledent.
L'introduction des reines est certainement l'un des
problèmes essentiels de l'apiculture.
A part le temps, sur lequel nous n'avons pas de prise, la
reine est la quintessence du succès et de la productivité
d'une colonie.
L'adjonction d'une reine jeune et vigoureuse nous permet de
renouveler le ressort vital de la population, de la rajeunir
et de la maintenir constamment au faîte de sa
capacité.
Bien plus, nous disposons là d'un moyen de parer à la
plupart des troubles et des soucis dont l'apiculture est
affectée.
Malheureusement, l'introduction des
reines, telle qu'elle a été pratiquée jusqu'ici, entraîne
beaucoup de difficultés et d'échecs.
De fait, chaque année, des milliers de précieuses reines
sont perdues au moment où elles auraient entamé leur
activité utile de pondeuses, par méconnaissance de la cause
déterminant l'acceptation d'une nouvelle reine.
Cette cause, simple et lumineuse cependant, échappait à la
compréhension de l'apiculteur à la suite d'une fausse
conception entourée de mystère.
Des conclusions erronées ont été tirées des essais et des
observations.
Les évaluations de professionnels de confiance donnent 50 %
de pertes en reines à l'introduction.
Ceci peut paraître exagéré à beaucoup de gens.
Cependant, suivant nos propres expériences au cours des
années passées, cette évaluation ne serait guère forcée si
nous y rangions, outre les reines mises à mal lors de
l'introduction, celles aussi qui, acceptées sans doute, sont
endommagées de quelque manière.
Cette perte indirecte, due à endommagement est souvent plus
importante que celle résultant de la mise à mort immédiate
des reines.
Une colonie à reine défectueuse - le défaut n'a pas besoin
d'être visible - est pratiquement sans valeur.
Souvent de telles reines sont la cause d'échecs
constants. Les colonies qui en sont affligées, se
remèrent après quelques semaines ou quelques mois, souvent,
à l'insu de l'éleveur, ou bien conservent la reine
endommagée et n'atteignent jamais les effectifs, ni la
productivité normaux.
C'est pourquoi nous considérons
un procédé d'introduction correct, mettant la reine à l'abri
de toute lésion ou endommagement quelconque, comme une des
rares choses qui importent véritablement en
apiculture. C'est la pierre angulaire de toute notre
industrie apicole d'élevage à Buckfast.
Nous estimons avoir atteint le double but que nous nous
étions assigné : non seulement, arriver à ce que chaque
reine soit acceptée, mais encore que chacune se mette
immédiatement à l'oeuvre, dans sa nouvelle demeure, avec
toutes ses forces et toute sa fécondité.
Toutes les méthodes antérieures d'introduction reposent sur
la théorie qu'une reine étrangère doit, avant d'être
acceptée, avoir acquis d'une façon ou de l'autre, l'odeur de
la colonie où l'on va l'introduire.
On présupposait que chaque colonie possédait une odeur
propre et qu'une nouvelle reine devait, au préalable, être
mise un certain temps encagée dans sa demeure adoptive pour
prendre la nouvelle odeur.
Il fallait tout d'abord la présenter aux abeilles pour
qu'elle soit bien reçue.
Et voilà que se pose la question : existe-t-il des
preuves que chaque colonie a une odeur propre ?
Des travaux récents de savants compétents confirment notre
opinion suivant laquelle l'odeur individuelle d'une colonie
n'existe pas.
La démonstration scientifique de l'existence d'une telle
odeur caractéristique et distinctive pour chaque colonie,
permettant aux abeilles de différencier leurs compagnes des
abeilles étrangères, est encore à faire.
L'expression "odeur de la colonie" est liée à l'idée que les
abeilles répandent des effluves conférant à chacun des
membres de la colonie une odeur uniforme et caractéristique,
variant d'une colonie à l'autre.
Comme déjà dit, toute preuve concluante de pareille
supposition fait défaut.
Il y a bien une odeur de ruche ?
arôme combiné de rayons, surtout les vieux, et de propolis,
miel, pollen, couvain, etc.
Il est hors de doute que le genre et l'intensité de cette
odeur de ruche varient suivant la saison, la température, la
miellée, etc.
Mais ces variations de colonie à colonie ne peuvent guère
servir de signe de reconnaissance lorsqu'il s'agit de
colonies d'un même rucher qui sont tributaires de conditions
extérieures semblables et pour cette raison n'accuseront pas
de grandes différences non plus à l'intérieur de la
ruche.
Effectivement, nous allons maintenant démontrer que ce n'est
pas par l'odeur de la ruche que les abeilles se
reconnaissent.
Que la reine possède une odeur particulière, à laquelle les
abeilles la reconnaissent, ne fait pas de doute. Mais
que chaque reine ait une odeur différente et puisse en
donner communication aux abeilles paraît invraisemblable
sous l'angle expérimental.
De même, l'odeur répandue par la glande
à parfum située au bout de l'abdomen des ouvrières, ne
semble pas être un signe de reconnaissance pour chaque
colonie.
Le but de ce parfum est d'attirer vers un point donné les
abeilles d'une colonie ou d'un essaim.
Mais ce parfum n'est pas, de toute évidence différent de
colonie à colonie, sans quoi le désarroi souvent observé
lorsque plusieurs essaims sortent en même temps et puis
rentrent, ne pourrait se produire.
La puissance attractive de ce parfum doit être considérable,
car nous savons que les abeilles peuvent être entraînées par
lui à se joindre à un essaim étranger ou à rentrer dans une
ruche étrangère où elles sont souvent mises à mort.
Nous avons distingué "odeur de
ruche" et "odeur de colonie".
Les observations suivantes montrent qu'il y a lieu de bien
les séparer.
L'opinion très répandue que toute odeur forte couvre
l'"odeur de la colonie", repose visiblement sur une
erreur.
Le salicylate de méthyle, par exemple a une odeur très
pénétrante et pourtant quand on l'utilise on n'a jamais
constaté de pillage.
Bien utilisée, cette substance n'a effectivement,
semble-t-il, pas d'action visible sur les abeilles.
Par contre, la liqueur de Frow provoque, plus que tout autre
produit, le pillage et c'est son gros inconvénient. La
créosote engendre également le pillage.
Cependant, à notre avis, ce n'est pas l'odeur de la liqueur
de Frow ou de la créosote qui cause le pillage et nous
pensons, par contre, que les vapeurs en question provoquent
une sorte d'engourdissement des abeilles et leur font perdre
l'instinct naturel de défense de leurs provisions.
Pourquoi donc l'Izal et l'acide carbonique ont-ils un effet
opposé, consistant à tenir à distance les pillardes ?
Si toute odeur forte devait, par elle-même, couvrir l'odeur
de la ruche, tous ces produits devraient avoir le même
effet.
Ceci n'étant pas le cas, i! faut bien admettre que ce n'est
pas l'odeur qui joue le rôle principal et, par suite, que ce
n'est pas non plus l'odeur de la ruche qui est le signe
auquel les abeilles se reconnaissent entre elles.
Jusqu'ici, nous n'avons pu
trouver de preuve de l'existence d'une odeur de colonie
individuelle et toutes nos observations et expériences - en
particulier dans le domaine de l'introduction des reines -
démontrent que "l'odeur de la colonie" est du domaine de la
fable.
Il n'y a là que l'interprétation commode et en apparence
plausible de phénomènes et de réactions dans le peuple des
abeilles, qu'on ne peut encore éclaircir de façon
satisfaisante.
En réalité, nous ne savons pas encore à quoi les abeilles se
reconnaissent entre elles.
Nous connaissons toute une série de cas où, après
introduction d'une reine, les batailles les plus violentes
se déchaînèrent parmi les abeilles de la ruche ayant reçu la
reine, bien que notre méthode d'introduction reposât, alors,
sur l'idée que la reine devait au préalable acquérir l'odeur
de la ruche.
Ces bagarres duraient souvent jusqu'à ce que ne subsiste
qu'une poignée d'abeilles avec la reine.
La cause n'en était cependant pas une "odeur de la
colonie" !
Notre expérience nous amène à
conclure que l'"odeur de la colonie" - si même il en
existait véritablement une - ne jouerait en aucune manière
le moindre rôle lors de l'introduction d'une reine.
Dans tous les cas - quelle que soit la méthode
d'introduction - c'est le comportement de la reine qui est
le facteur déterminant son acceptation ou son rejet.
Ce comportement lui-même dépend de la condition de la reine,
au moment de sa libération.
Ainsi, nous sommes, par exemple, convaincus que si une reine
est emballée ou piquée, son propre comportement en est
cause.
Une reine fraîchement fécondée ou vierge sera effarouchée
par l'ouverture de la ruche - même si c'est dans cette ruche
qu'elle est éclose - et elle sera alors souvent emballée ou
tuée.
Une reine effrayée de la sorte court parmi les rayons, ce
qui sème l'agitation parmi les habitants et elle se fait
attaquer.
Ceci n'est pas seulement le cas quand une ruche est
ouverte : tout dérangement, toute excitation
quelconques peuvent avoir les mêmes effets.
La perte de reines vierges peut parfois résulter de ce qu'un
oiseau les a happées ou qu'elles se trompent de ruche au
retour.
Néanmoins, nous croyons que, en bonne partie, ces pertes
sont dues à une excitation à l'intérieur même de la ruche,
excitation provoquant l'attitude hostile des abeilles.
Ici aussi l'absence d'une odeur de la colonie ne peut être
rendue responsable, car la reine vierge appartient bien à la
même colonie : son comportement et sa condition sont
les facteurs décisifs.
Ce que nous entendons par là, nous allons le préciser.
Si une jeune reine, en état de ponte
depuis quelques semaines, mise en cage, est, le jour même,
libérée dans une autre colonie, elle sera acceptée avec
certitude.
Ne la libère-t-on que le second jour, elle sera probablement
attaquée et emballée.
L'explication en est, que le second jour, elle ne sera plus
aussi prête à pondre que le premier. Plus l'emprisonnement
se prolonge, plus la probabilité d'acceptation diminue, à
moins que les abeilles ne la nourrissent à travers les
mailles de sa cage, si bien qu'elle se met à pondre
normalement sitôt libérée.
Non nourrie et libérée quand même, elle sera tuée ou
emballée ou simplement endommagée de quelque manière, parce
qu'elle n'était pas en état de ponte et ne s'était pas
encore remise, donc, de son incarcération.
Pour cette raison, une reine reçue par la poste doit
toujours au préalable être introduite dans un nucleus formé
au moins trois jours avant son arrivée.
Ce temps permet aux vieilles abeilles de regagner leur
ruche; les jeunes abeilles, seules restantes, nourriront
immédiatement la reine étrangère, la ramèneront à son état
naturel et ainsi l'acceptation sera certaine.
Après quelques semaines de ponte dans le nucleus, la reine
pourra être affectée à sa colonie définitive.
L'emprisonnement prolongé
recommandé jusqu'ici a donc l'effet opposé à celui qu'on en
attend.
Il rend l'acceptation plus incertaine, problématique.
Quand, après l'emprisonnement prolongé dans une cage
d'introduction - quel qu'en soit le système - une reine est
quand même acceptée, ce n'est pas parce qu'elle a pris
l'odeur commune, mais, comme déjà dit, parce qu'à sa
libération, elle se trouve dans la condition corporelle
convenable et se sera bien comportée.
Ceci vaut pour toutes les méthodes d'introduction dites
"directes".
Quand nous affirmons que le comportement de la reine est le
facteur principal lors de l'introduction - quelle que soit
la méthode adoptée - nous n'en convenons pas moins que
l'état et le comportement de la population recevant la
nouvelle reine influent sur l'acceptation ou le rejet.
Mais l'apiculteur le plus capable et le plus expérimenté
lui-même, ne peut jamais infailliblement déterminer et
prévoir le moment favorable, physiologiquement, où une
colonie est en condition d'accepter une reine. Jamais
nous ne pouvons suffisamment avoir une vue de toutes les
circonstances, influences, conditions et réactions qui
importent ici.
Ce qui fait, que même l'apiculteur le plus prudent et pesant
tout, est bien souvent contraint de s'en remettre au
hasard. Et combien fréquents sont les échecs.
Cependant, l'état de la population et l'humeur des abeilles
n'exercent d'influence que lorsque des reines sont
introduites avant d'avoir atteint leur pleine
maturité.
En d'autres termes, une reine sera acceptée avec certitude,
tout à fait indépendamment des caprices des abeilles de la
colonie si, avant l'introduction, elle a atteint un certain
âge, si elle est en pleine ponte.
Qu'entendre par "pleine
maturité" ?
Une reine fraîchement fécondée, ayant commencé à pondre, est
nerveuse et s'effraie facilement.
Le moindre dérangement, toute ouverture de la ruche par
l'apiculteur peuvent mettre sa vie en danger.
En peu de semaines, cependant, son attitude se modifie
fondamentalement.
Ses mouvements sont plus posés, ses réactions sont plus
paisibles, elle continue tranquille et détendue à vaquer à
ses occupations quand on ouvre la ruche et retire les
rayons.
Lorsqu'elle a pondu durant environ quatre semaines, elle est
en "pleine maturité".
Sans doute, n'est-ce que l'année suivante qu'elle atteindra
sa productivité maximum mais, dans son allure, ne se
marqueront plus de changements, sauf que ses mouvements
deviennent plus lents avec l'âge.
Le terme que nous avons indiqué pour l'obtention de la
pleine maturité - quatre semaines - peut être un peu trop
court pour quelques reines.
Par contre, il existe des reines à nervosité congénitale -
en particulier des bâtardes, mais aussi certaines reines de
provenance française et anglaise - pour lesquelles le terme
devra être fixé un peu plus long.
Cependant, suivant notre expérience, un temps de deux
mois suffit, même pour les cas les plus extrêmes.
Un autre point
important est encore à relever en l'occurrence : les
reines fraîchement fécondées que l'on encage trop tôt,
avant la pleine maturité, sont fortement abîmées.
L'éleveur commercial cherche à tirer parti de ses reines
fraîchement fécondées, aussi vite que possible, soit
quelques jours après le début de la ponte.
Indépendamment du gros déchet qui en résultera lors de
l'introduction, retenons que les reines récemment
fécondées, lorsqu'elles sont encagées avant pleine
maturité, sont extrêmement délicates.
Des reines de l'espèce sont la plupart du temps
handicapées de façon permanente dans leur rendement.
Nous sommes convaincus que le rendement déficient de
mainte jeune reine de prix est attribuable à cette cause.
Contrairement à une opinion souvent entendue, nous croyons
qu'une reine n'atteint pas le sommet de son rendement
l'année de sa naissance, mais seulement l'année
suivante.
De même, une reine fraîchement fécondée, introduite au
début de l'été dans une population puissante à fort
rendement, ne donnera jamais autant les années suivantes,
qu'une reine qui aura été retenue dans une colonie de
réserve jusqu'à l'automne ou au printemps suivant.
La théorie suivant laquelle une jeune reine est nécessaire
à l'automne en vue d'un bon hivernage ou pour bien tirer
parti de la bruyère, est erronée.
Suivant notre expérience, ce sont des reines à leur
deuxième année qui donnent le plus grand nombre d'abeilles
pour la bruyère et le plus grand nombre d'abeilles jeunes
pour l'hivernage.
C'est alors qu'elles sont au faîte de
leur forme. C'est pourquoi le remérage en juillet ou
août est une grosse faute - sauf, bien sûr, dans les cas où
la vieille reine est défectueuse.
En règle générale, nous n'introduisons jamais une jeune
reine dans une colonie si ce n'est dans les années où, tard
dans l'automne, nous avons un grand surplus de jeunes
reines.
Nous le faisons alors la première semaine d'octobre.
Mais nous préférons laisser la jeune reine en colonie de
réserve et ne l'introduire qu'à la fin mars, soit dès que la
température printanière permet de procéder à son
introduction.
Nous hivernons habituellement 400 colonies de réserve, en
chiffres ronds.
Nous n'utilisons pas toutes ces reines pour les
introductions de printemps.
Les autres sont gardées en réserve, pour le cas où la reine
ne donnerait pas satisfaction, durant la saison, dans l'une
ou l'autre colonie de production.
Nous remérons donc généralement au printemps, parfois,
occasionnellement aussi, en fin d'automne et aussi en tout
autre temps de la saison apicole lorsque cela nous parait
nécessaire et quand cela nous convient.
Nous sommes tellement certains de la réussite, que point
n'est besoin d'aller voir si la reine a été acceptée ou
non.
Si, d'ailleurs elle devait ne pas l'avoir été, nous le
remarquerions bien vite, chaque reine étant clippée avant
introduction.
L'apiculteur praticien ? nous
nous y attendons - va faire toutes sortes d'objections à ce
plan suivant lequel les jeunes reines ne sont introduites
qu'à l'automne, voire au printemps suivant.
Nous n'en croyons pas moins que la façon de remérer que nous
recommandons présente de tels avantages qu'elle supplantera
bientôt toutes les autres méthodes.
Ses désavantages éventuels s'effacent si nous considérons
que :
1) L'introduction se fait à la fin ou au début de la saison,
donc à un moment où l'apiculteur n'est pas absorbé par
d'autres tâches importantes.
2) Le changement de reine entraîne à cette époque le moins
de dérangement à la vie de la communauté.
3) Le travail consacré à cette tâche est réduit au minimum.
4) Pas de pertes, si bien qu'on peut élever de 25 à 50 % de
reines en moins.
5) Chaque reine est acceptée sans être le moins du monde
endommagée.
6) Une réussite absolument certaine de tout le travail de
remérage est assurée.
Nous avons étudié successivement et à fond les méthodes
d'introduction connues et croyons, en conséquence, connaître
les avantages et défauts de chacune d'elles.
Nous avons fait nos écoles. Toutes les autres méthodes
nous paraissent comporter une dose plus ou moins grande
d'incertitude.
Dans une chose aussi fondamentalement importante que le
remérage, tout apiculteur praticien va pourtant s'efforcer,
autant que possible, de ne rien laisser au hasard.
Quant à nous, nous ne voudrions jamais revenir à un des
procédés antérieurs, pas plus que nous ne désirerions de
nouveau faire de l'apiculture en paniers.
Nous savons que peuvent survenir des circonstances rendant
nécessaire l'introduction de reines fraîchement fécondées,
n'ayant pas atteint leur pleine maturité.
Des apiculteurs n'élevant pas eux-mêmes leurs reines, mais
les recevant par la poste, devront aussi avoir recours à un
autre procédé de remérage et d'introduction que celui décrit
ci-dessus.
Occupons-nous donc également un peu de leur cas.
S'il est besoin d'introduire une reine
non en pleine maturité dans une colonie de production nantie
ou non d'une reine, nous recommandons toujours
l'introduction par l'intermédiaire d'un nucleus.
En fait, avant 1937, nous remérions depuis des années de
cette manière, en juin ou juillet.
Le procédé n'est pas infaillible, mais le pourcentage des
reines acceptées est plus élevé qu'avec les autres méthodes
d'introduction, usuelles jusqu'ici.
En outre, il n'y a pas besoin d'encager la reine.
Elle n'est donc pas exposée aux dangers que comporte toute
incarcération.
Nous avons encore régulièrement recours à ce procédé,
lorsque notre stock de reines d'un an est épuisé.
La jeune reine, non en pleine maturité,
sera donc, comme dit ci-dessus, d'abord introduite dans un
nucleus formé au moins trois jours plus tôt.
Elle devrait y pondre au minimum une semaine.
L'introduction dans la ruche définitive a lieu ensuite de la
façon suivante : le nucleus pourvu de la jeune reine
est ouvert et les abeilles exposées à la lumière.
La vieille reine à enlever de la colonie est cherchée et
supprimée.
On enlève alors à cette colonie trois rayons de couvain et,
à leur place - en dérangeant le moins possible - sont
glissés les trois rayons du nucleus avec reine et
abeilles.
La colonie est encore laissée ouverte et exposée à la
lumière pendant 5 à 10 minutes, puis on remonte et ferme la
ruche.
Si nécessaire, on peut déjà le lendemain, s'assurer si la
reine est acceptée. Mais il vaut mieux, par prudence,
attendre quelques jours.
Les rayons de couvain avec leurs abeilles que nous avons
retirés de la colonie à remérer sont placés dans le nucleus;
après trois jours, nous y ajouterons une cellule royale, ou
si nous n'avons plus besoin du nucleus, nous renforçons une
colonie faible de ses rayons et de ses abeilles.
Le débutant craint peut-être une
bataille, lorsque des abeilles de deux colonies non
orphelines sont ainsi réunies sans aucune précaution.
Il est pourtant établi que des abeilles qui ont été, durant
5 minutes environ, exposées à la lumière, s'accordent en
paix sans prendre aucune autre mesure.
Ici aussi, l'odeur de la colonie ne joue non plus aucun
rôle; ici aussi, la réussite tient, à notre avis, au
comportement - en l'occurrence le comportement des
abeilles.
La lumière du jour, comme tout bon observateur au rucher le
sait, a une action calmante sur les abeilles. Nous
n'employons jamais aucune autre mesure de prudence lorsque
nous donnons des abeilles étrangères à une colonie ayant sa
reine.
Nous avons recours à cette méthode de remérage par
l'intermédiaire d'un nucleus, également comme moyen de
prévenir l'essaimage.
Le lecteur attentif a remarqué que, contrairement aux
recommandations habituelles, nous n'intercalons pas une
période d'orphelinage avant d'introduire la nouvelle
reine.
La vieille reine est enlevée et la jeune immédiatement
introduite - le cas échéant par l'intermédiaire d'un
nucleus. Notre expérience nous a appris que :
1) Il est sans utilité aucune
d'orpheliner une colonie avant le remérage.
2) Une colonie orpheline, avec des cellules royales en
train, est moins disposée à accepter une nouvelle reine;
ceci, toutefois, ne vaut que pour le cas où une reine non en
pleine maturité est introduite.
3) Une cellule royale échappe bien facilement, quand il
importerait de la détruire, ce qui met la nouvelle reine en
grand danger.
Une reine en pleine maturité sera acceptée avec certitude
dans une colonie orpheline, peu importe que l'orphelinage
ait duré quelques jours ou quelques semaines.
Mais, comme dit plus haut, aucune cellule royale ni aucune
reine vierge qui pourraient se trouver dans la colonie
orpheline, ne doivent avoir été omises.
Le meilleur moyen de s'assurer de la présence ou de
l'absence d'une reine, consiste, comme on sait, à glisser
dans la ruche un rayon de jeune couvain.
S'il n'y est pas érigé de cellules royales, c'est qu'une
reine vierge est présente.
Nous avons conscience que
nous avons établi quelque chose qui va à l'encontre de toutes
les théories et de tous les conseils de nos traités.
Mais nous nous appuyons sur notre expérience et sur les faits
que nous avons observés.
Il est superflu de nous excuser, pensons-nous, d'accorder tant
d'importance à cette question si primordiale de l'introduction
des reines.
Une méthode d'introduction sûre, qui garantit que toute reine,
non seulement sera acceptée, mais encore le sera sans être
endommagée aucunement, constitue l'un des fondements majeurs
de l'apiculture.
Tous les experts éprouvés sont d'accord sur ce que le haut
pourcentage de jeunes reines qui, bon an mal an, se perdent
misérablement au seuil de leur utile carrière, constitue une
des lacunes les plus profondes et regrettables de l'apiculture
moderne.
Une méthode infaillible d'introduction, ainsi qu'un stock de
reines suffisant pour parer à tous les aléas, ces deux points
sont la clef de la réussite en apiculture.